Bleu acier
Photo/Gilles Dallière/Les Hirondelles/Andrézieux-Bouthéon
Aux Hirondelles, je choisis un arbre dans le parc, le séquoia où le cèdre bleu dont l’ombre me paraît suffisamment dense, et je m’assois. Le parc est vaste. Face à la terrasse, en contre-bas, la grande pelouse court jusqu’au bout d’une allé de platanes qui délimite un terrain qui descend sur la Loire. À ma droite, les bosquets étalés où arrondis des rhododendrons masquent les serres. À la nuit tombante, mon père rentre de l’usine. Au portillon de la villa la cloche sonne pour me faire rentrer. Il m’accueille à sa manière, maman à la migraine, et il parle peu. À longueur de journée, on remue toutes sortes de pensées, on en fait le tour et interminablement, on recommence, car les pensées ne se laissent jamais tout à fait pénétrer. Ce mutisme des choses, des raisons profondes des choses, conduit au silence, mais il suffit que ces choses aient été évoquées et leur impénétrabilité reconnue, il en demeure un reflet dans les yeux. En regardant ma mère monter dans sa chambre, le regard bleu acier de mon père est singulièrement perçant, lorsqu’il se pose, de fait, il se pose peu, il demeure tout fixé sur ce rêve intérieur poursuivi sans fin dans son usine.