Dimanche soir
Photo/Gilles Dallière/Gare d’Andrézieux
Dimanche soir, j’ai dix ans, je suis en vérité sur le chemin de l’école, pensionnaire chez les jésuite à Saint-Chamond. Mon père m’accompagne, mais sa présence même, sa tendresse même, et davantage encore maintenant qu’il me tient la main, m’enlève le peu de courage qu’il me reste. Je n’irais pas plus loin, dit-il. Nous allons nous dire adieu ici, tu es un grand garçon maintenant et je vais te laisser aller seul. Sois un homme ! Les frères, là-bas, s’occuperont de toi. Et travaille bien. Vois-tu, je n’ai pas eu un père comme toi qui veillait sur moi ; au moins, ne l’ai-je pas eu très longtemps : à 14 ans, j’étais orphelin, et j’ai dû faire seul mon chemin. Ma mère m’a confié à mon oncle et j’ai beaucoup travaillé pour en arriver là. Tu dois saisir ta chance, je ne te demande rien de plus. Il m’embrasse sur le chemin des Hirondelles, à l’angle de la rue de la Loire et de l’avenue Martouret et je poursuis ma route vers la gare d’Andrézieux, historiquement connue pour être le terminus de la première ligne de chemin de fer en France, et jamais je n’ai été si seul. J’ai saisi ma chance, mais je ne sors plus le dimanche soir.