Madame est servie.
Photo/Gilles Dallière/Musée Jaquemart-André/Paris
Nous sommes sous Napoléon III. La salle est haute, agréable, bien éclairée. Pavée de marbre, aux murs revêtus de miroirs, elle donne accès au très étonnant escalier à double révolution. Les sculptures qui la décorent en font une galerie d’antiques. Madame Jacquemart-André reçoit. Tout est bien servi. Elle est en robe de soie couleur souris-qui-trotte, un peu montante. Ces messieurs sont en habit noir, en cravate blanche, et montrent une fleur à la boutonnière. Le dîner est simple : deux potages, trois entrées, trois rôtis, trois entremets, des vins irréprochables, une demi-douzaine de plats divers, puis le dessert. Le dîner est brillant, et la joie des convives est à son comble quand on sert le nougat. Vers les neuf heures de la soirée, chaque invité, en remuant discrètement le sucre dans sa tasse de café, se tourne vers son voisin. Tous les sourcils sont haussés et les yeux ont cette expression atone propre aux personnes qui, après un banquet, vont émettre une opinion : quelle belle verrière !